Au début des années 80, Franck Maubert, journaliste d'art à l'Express, rend visite à Francis Bacon dans son appartement londonien. Il rapporte les conversations échangées et des clichés inédits, pris avec un modeste appareil jetable acheté à l'aéroport. Photo de l'artiste dans son atelier, caverne constituée d'un fatras, amoncellements, détritus d'ogre peintre après un festin de travail. Cliché de l'artiste posant dans une rue londonienne, une de ces rues en brique rouge, qui rappellent les atmosphères de Dickens ; le peintre évite l'œil de l'appareil, baisse les sourcils, une ombre semble posée sur ses paupières. Sur une autre photo, on le voit marcher, avec de drôles de gestes, une émouvante gêne d'albatros. Dans son atelier, chez lui, dans la rue ou au café, c'est toujours un artiste qui se réfugie dans une obscurité songeuse et qu'on imagine continuellement concentré sur son œuvre.
Ces photos apportent ce qu’un photographe professionnel n’aurait sans doute pas privilégié : l’intérieur de l’appartement de Bacon pris dans une crudité mélancolique, et une adorable gaucherie saisie chez l’artiste dont une partie du corps disparaît dans le noir.
Franck Maubert interroge l'artiste sur les premiers chocs esthétiques qui ont provoqué sa vocation. Chez Bacon, c'est l'obsession du cri qui est à l'origine de la peinture, le spectacle d'un corps dans un état de crispation physique qui l'aura le plus chamboulé se trouve dans le Massacre des innocents. Des tab