Menu
Libération
Critique

L’élite des classes

Article réservé aux abonnés
Le cahier Livres de Libédossier
Les «Considérations» philosophiques et politiques de John Stuart Mill
publié le 19 novembre 2009 à 0h00

Le sentiment que les régimes contemporains sont marqués par une profonde «crise de la représentation» s'impose avec la force de l'évidence. Il alimente le désenchantement des citoyens et leur suspicion vis-à-vis de la classe politique. L'interrogation sur les voies d'un renouvellement du politique et des formes d'une démocratie plus forte taraude pour cela tous les esprits qui ne peuvent se résigner à une antipolitique désabusée. La publication d'un des classiques du XIXe siècle sur la question du gouvernement représentatif attire donc l'attention. Et ce d'autant plus que le texte de Mill, presqu'autant célébré en son temps que la Démocratie en Amérique de Tocqueville, n'avait plus été réédité en France depuis 1870. On peut faire deux types de lectures de ces Considérations. Elles constituent d'abord, en majeur, un témoignage historique exemplaire du mélange de lucidité intellectuelle et de préjugés caractérisant les plus grands esprits libéraux de l'époque. Elles retiendront surtout dans cette mesure l'attention de ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'idée démocratique. Mais elles sont aussi riches, en mineur, d'intuitions sur la nature du régime représentatif. Et l'ouvrage mérite d'être relu pour son apport théorique propre.

Mill est d'abord un libéral archétypique de son temps, obsédé par l'avènement d'un pouvoir populaire qui s'identifierait à celui d'une force obscure et menaçante. «Le suffrage universel ne peut en aucun cas exister e