Imaginer le futur, s'inquiéter du présent : tendues entre ces deux gestes, beaucoup d'œuvres de science-fiction se contentent soit de transposer notre temps dans un autre, ou les conflits d'ici à une planète lointaine (comme, dans Dune, les enjeux du pétrole aux sables d'Arrakis), soit d'extrapoler, portant à leur limite les dynamiques en cours pour en grossir les traits utopiques ou terrifiants. Plus rares sont les livres qui sondent l'entre-deux - cet écart qui court d'aujourd'hui à demain, et la façon particulière dont une époque s'attend à la suivante ; non les contenus de l'avenir, robots ou voitures volantes, mais l'à-venir lui-même et la façon dont il nous vient, la manière singulière dont notre conscience actuelle se tend vers le futur. Sur ce point, la SF moderne demeure la fille de la guerre froide : d'avoir grandi entre menace nucléaire et compétition Est-Ouest sur le sens de l'histoire, son horizon est tantôt celui de l'imminence et tantôt celui des fins dernières, horizon très loin, très proche, dont les hommes sont, au choix, les acteurs ou les témoins impuissants.
Grenouille. La guerre froide est terminée, et l'écrivain d'origine canadienne Robert Charles Wilson creuse un autre sillon - le nôtre. En 2001 déjà, dans les Chronolithes, il imaginait le surgissement dans le présent d'immenses stèles commémorant la victoire future d'un chef de guerre mondial, victoires datées de vingt ans dans l'avenir. Vingt ans : ni demain ni la f