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Blues Suède shoes

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«Les Chaussures italiennes», roman insulaire et non policier de Henning Mankell
publié le 3 décembre 2009 à 0h00

Tout lecteur incurable rêve de remonter aux sources narratives de son orphelinat pour y tomber sur un mélodrame extrême et extrêmement sobre, quelque chose qui remplisse sa vie de larmes et son désert d'intelligence. La première qualité du mélodrame est d'en faire trop, celle de l'écrivain d'en faire juste assez, même et surtout si c'est trop. Les Chaussures italiennes, nouveau roman non policier du Suédois Henning Mankell, remplit presque cette mission - malgré quelques couacs d'humanisme sentencieux, où la morale devient une signature de trop.

Corps. L'histoire débute là où finit celle du Misanthrope lorsqu'Alceste dit à Philinte : «Allez-vous-en la voir, et me laissez enfin / Dans ce petit coin sombre, avec mon noir chagrin.» Le petit coin sombre est une île toute blanche, au large de la Suède. Fredrik Welin, un ancien chirurgien sexagénaire, s'y est retiré. Chaque matin, il creuse un trou dans la glace et plonge dans l'eau : «Je descends dans mon trou noir pour sentir que je suis encore en vie. Après le bain, c'est comme si la solitude refluait un peu.» L'île est déserte. Welin vit avec une chatte, un chien et une fourmilière géante qui dévore une pièce de sa maison. La nuit, il entend des bruits : «La glace chantait dehors dans l'obscurité, et moi je me demandais si je n'allais pas avoir un infarctus.» A la fin, il aura une angine de poitrine. Les corps des antihéros de Mankell rappellent qu'ils sont malades d