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Libération

Le tour infernal de Juan José Saer

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publié le 3 décembre 2009 à 0h00

Dès les tout premiers mots du roman, le personnage sort d'une «porte à tambour», une porte tournante, et, durant les cent pages suivantes - car le livre est en deux parties, c'est à un autre personnage, mais ils se rencontreront, que le même sort échoie au long des deux cent vingt pages de la seconde -, Rey tournoie sous le regard et dans l'écriture de Juan José Saer, un peu comme ces insectes pris dans l'éclairage d'une torche dans l'obscurité. L'auteur, avec son objectivité, sa dureté apparentes, ne lâche plus sa création, décrit comme à distance ses moindres mouvements, physiques ou mentaux, telle une caméra engagée dans un long travelling et qui ne voudrait rien laisser perdre. Il y a très vite un écart, comme une ironie, entre la rigueur de l'écrivain et le désespoir de ses personnages qui se lancent dans de longues discussions passionnées qui ne demeurent en fait que des monologues parce que c'est très difficile pour un humain d'avoir un rapport réel avec un autre humain, et même avec l'existence en général. «- Qu'est-ce que tu as contre la littérature ? / - Rien, dit Rey - il se pencha vers Marcos et ferma les yeux à demi -, contre la littérature, rien. C'est contre la vie.»«Le mariage a des aspects sordides», dit aussi Rey en pensant à la copulation même quand l'autre n'a pas forcément envie et à ses aspects pratiques («Et l'enfant, vous l'envoyez faire une promenade ?»). Il comprend que ses arrivées à l'improviste chez le mari de