L'Eglise catholique possède une jolie expression pour désigner le plaisir dans lequel plonge ce petit ouvrage en couleurs cradingues (d'origine), collection de cartes postales doucement nazes. C'est la délectation morose. Non pas au sens de «triste» mais «qui retarde» - rien à voir dans l'étymon, l'un est apparenté à «mœurs, humeur», l'autre à «mora», en latin, le retard. La délectation morose, c'est la complaisance prise aux choses dégoûtantes dont on devrait se détourner.
En l'occurrence, un catalogue de la France éternelle, une sorte de retour du refoulé dont on se demande, en le revoyant (parce que oui, quand même, on en a tripoté des cartes comme ça, sur les tourniquets de l'épicerie de Lus-la-Croix-Haute vers 1976), comment il a pu exister. Et comment il existe encore. Car on fera pour seul grief à Manu Boisteau, qui a collectionné ces horreurs, de croire que son délicieux livre «dessine […] les contours d'une France aujourd'hui disparue, que l'on pourrait situer chronologiquement entre Pompidou et Giscard». Mais non. Chers tous est à verser au dossier de l'identité nationale, c'est l'inconscient franchouillard mis à nu jusqu'au sang, délicatement sexiste et globalement bouché, attrapant des bouts d'air du temps pour en faire des renâclements de comptoir. De plus, ce fond de commerce immémorial n'a pas tout à fait disparu, il a seulement migré vers le Web, où les sites e-cards déploient désormais leurs crabe