Ut pictura poesis. «La poésie est comme la peinture», écrivait Horace. Il signifiait ainsi que l'art poétique est capable de tout figurer, d'être un art des yeux comme il l'est de l'oreille - des sens, de l'émotion, de l'imagination et de tout ce qu'on voudra. Nul ne nie cette force à l'Enéide. Fondateur d'une culture, sinon d'une civilisation - Virgile est comme un miroir divin qui reçoit la lumière grecque de l'Iliade et de l'Odyssée d'Homère pour la projeter vers la Divine Comédie, dans laquelle il guide Dante dans sa traversée de l'Enfer -, le poème atteint les sommets de l'art.
On pense dès lors que, apte à tout «faire voir», il n'a besoin d'aucune image annexe, fût-elle elle-même une œuvre d'art. On le pense, du moins, tant qu'on n'a pas eu le bonheur d'extraire de leur coffret les deux volumes de l'Enéide publiés chez Diane de Selliers, d'un côté le texte latin rehaussé de onze miniatures du codex Romanus Vaticanus Latinus 3867, de l'autre la traduction, illustrée - mais le mot est faible - de fresques et des mosaïques antiques, enveloppant l'époque de Virgile (70-19 av. J.-C.) et le siècle d'Auguste.
Le récit de Virgile établit sur des bases prestigieuses la grandeur de Rome et en fait une résurgence de Troie. Il reconstruit le voyage par lequel le Troyen Enée, fils d’Anchise et de la déesse Vénus, ayant échappé à la ruine de sa ville, prend la mer et, après un long périple, aborde sur les rives du Latium,