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Critique

Delacroix et la manière

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Le «Journal» comme peinture sur soi
publié le 17 décembre 2009 à 0h00

Le 29 septembre 1931, ayant ouvert l'édition à paraître du Journal de Delacroix par André Joubin, la seule disponible jusqu'à cet automne et dont l'unique tome, tant aimé et toujours réédité par Plon, va désormais rejoindre les oubliettes d'une maison de campagne, André Gide note : «Du temps que j'admirais encore Delacroix, la lecture de son Journal a été une grande déconvenue. Pas plus dans son style que dans son art, il ne parvient à être tout à fait près de lui-même, comme font Baudelaire, Stendhal ou Chopin, qu'il savait pourtant admirer.»

La minutieuse édition de Michèle Hannoosh, professeurà l'université du Michigan, rappelle d'abord exactement le contraire : aussi bien dans son style que dans son art, Delacroix s'efforce d'être tout à fait près de lui-même, puisqu'«une triste chose de notre misérable condition» est «l'obligation d'être sans cesse vis-à-vis de soi-même». Malheureusement, pour tout cœur lucide, «soi-même» est un personnage infréquentable et Delacroix constate «qu'avec un esprit aussi vagabond et impossible, une fantaisie chasse l'autre plus vite que le vent ne tourne dans l'air et ne la voile dans le sens contraire».

Le premier objectif du Journal est donc d'observer les caprices et variations de ce «soi-même», de s'en rapprocher pour mieux le tenir à distance et le régler, afin d'en tirer sobriété, tenue, concentration, métier, art et gloire. Le second objectif, vingt ans après, n'es