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Libération

Le double tranchant de Dezsö Kosztolányi

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publié le 17 décembre 2009 à 0h00

Dezsö Kosztolányi est un écrivain hongrois né en 1885 et mort en 1936 qui se caractérise par une fantaisie émouvante, une sorte d'ironie compassionnelle. Kornél Esti est son personnage fétiche, plus ou moins considéré comme un double de l'auteur, qui met en scène l'opposition entre la prétendue raison et le courage, l'extravagance et la simple lâcheté (1). Le roman Kornél Esti date de 1933 et se compose de 18 chapitres qui ressemblent à 18 nouvelles indépendantes. L'ambition du héros est considérable : il s'agit non seulement de transformer le monde mais de le faire à sa façon radicale et humoristique, d'une simplicité désarmante. A chaque chapitre, Kornél Esti raconte des histoires étonnantes dont lui-même n'est parfois qu'un personnage secondaire chargé de mettre en exergue les particularités beaucoup plus estomaquantes d'un autre. Ainsi de celui dont le nom littéraire est «le président» parce qu'il préside une société culturelle allemande et a cette étrange fonction de s'endormir dès que le conférencier s'éclaircit la gorge pour parler et de se réveiller à l'instant même où l'autre en a fini. Quels que soient le sujet abordé et le talent du conférencier, l'objet même de l'intervention passe entièrement à l'as. «Mais tout cela ne concernait plus le président, qui s'était évadé discrètement du monde de la conscience par une invisible porte dérobée, et dont seul le corps restait là, en gage, sur le siège présidentiel.»

A la façon dont le narrateur e