Lianke a commencé par écrire des slogans de l'Armée populaire de libération et des romans réalistes socialistes. Très vite, il a pris les chemins de traverse pour laisser libre cours à son imagination et à son talent, dans le registre iconoclaste (Servir le peuple, Editions Philippe Picquier) ou tragique (le Rêve du village des Ding, idem). Reconnu internationalement, il est souvent censuré en Chine. Il y a pourtant publié en 2004 Bons Baisers de Lénine. L'histoire d'un village d'éclopés, oubliés du miracle économique, qui veulent créer un parc d'attractions. Pour cela, ils se sont mis en tête d'acheter la momie de Lénine, ancien graal du communisme. Rencontre autour d'un thé de Chine dans le VIe arrondissement de Paris, dont Yan Lianke a longtemps rêvé.
A 51 ans, enfin autorisé à sortir de Chine, vous venez à Paris pour la première fois. Quelles sont vos impressions ?
En vous attendant dans le hall de mon hôtel, je regardais de vieilles photos, dont plusieurs d’Ernest Hemingway qui a séjourné ici. Bizarrement, je n’ai absolument rien ressenti, alors que chez moi, à Pékin, plongé dans l’un de ses très grands romans, je peux être bouleversé. Depuis deux ou trois ans, renvoyé et en même temps libéré de l’armée où j’ai servi pendant plus de trente ans, je suis en effet libre d’aller où bon me semble dans le monde. C’était un rêve cette liberté, j’en ai profité pour aller en Europe, en Afrique du Sud. J’ai découvert des cultures riches et anciennes, et j’ai surtout constaté que, partout, des gens vivent dans des paradis alors que d’autres sont condamnés