Ce qui frappe dans cette magnifique Histoire du monde au XVe siècle, c'est le souci constamment affirmé des auteurs de garder la balance à peu près égale entre les différentes «provinces» du globe. Il est vrai qu'en 1500 aucune des quatre plus grandes villes du monde, Pékin, Le Caire, Hangzhou et Vijayanagar, ne se trouve en Europe. Ce déplacement d'intérêt reflète une évolution récente de l'historiographie.
Depuis le début des années 90, des historiens américains ont développé la World History, qui a vite réussi à s'imposer au sein des études historiques. La principale raison de cet essor est le refus d'un européocentrisme qui tend à penser l'histoire du monde au travers de sa conquête par les pays européens, d'autant que le déplacement actuel du centre de gravité de la planète vers la Chine ou l'Inde incite à ne pas se polariser sur la seule expérience occidentale.
L'Histoire du monde au XVe siècle s'inscrit résolument dans ce souci de décentrement du regard qui est ici «moins un programme qu'une exigence». Il prend deux formes. L'une consiste à «provincialiser l'Europe», selon l'expression de l'historien indien Dipesh Chakrabarty, c'est-à-dire à lui accorder sa juste place à l'échelle d'un monde dominé par des empires plus vastes et sans doute plus riches comme l'Empire ottoman ou la Chine, et animé par de puissantes dynamiques historiques extérieures à l'Europe comme l'expansion de l'islam en Asie du Sud ou