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Libération

Inégaux décombres

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publié le 7 janvier 2010 à 0h00

Hier c'était simple. Vous placiez un grand écrivain devant un grand monument, vous lui donniez du papier, une plume ou une truelle, et aussitôt il élevait un mausolée. C'était Chateaubriand herborisant parmi des ruines aux îles Orcades : «La joubarbe se cramponne dans le ciment, les mousses emballent d'inégaux décombres dans leur bourre élastique et le lierre, se traînant le long des cloîtres septentrionaux, retombe en festons dans les arcades.» C'était, au pied du donjon de Montfortl'Amaury, Victor Hugo dont l'ego se hissait aussi haut que l'Histoire : «Foulant créneaux, ogive, écussons, astragales / M'attachant comme un lierre aux pierres inégales /Au faîte des grands murs je m'élève parfois.» Le lierre poussait dru en ce temps-là.

Aujourd'hui c'est plus compliqué. Les écrivains sont devenus des gens humbles. Le poids des siècles tasse leurs épaules, les ruines les oppressent. Ils doivent s'y mettre à plusieurs pour dresser autour du patrimoine de timides murets de parpaings. Cela donne 100 Monuments, 100 écrivains : histoires de France, un ouvrage du Centre des monuments nationaux (CMN) tout juste paru aux éditions du Patrimoine sous la direction d'Adrien Goetz (484 pp., 80 €). Principe de la chose : 100 auteurs se sont vu attribuer chacun un monument national à propos duquel ils ont dû rédiger deux feuillets, l'ambition globale étant de donner un tombeau littéraire aux vieilles pierres de ce pays. Un enterrement au carré, en quelque sorte.

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