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Libération
Critique

Main-d’œuvre en fission

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Elisabeth Filhol raconte les ouvriers du nucléaire
publié le 7 janvier 2010 à 0h00

Comment regardera-t-on une «usine nucléaire» après avoir lu la Centrale ? Mille fois plus angoissé qu'avant. Tout le monde a vu, en vrai ou en photo, les énormes cheminées qui, par temps clair, laissent échapper d'épais nuages de vapeur, aperçus de loin, car les sites nucléaires sont inaccessibles pour d'évidentes raisons de sécurité. Nul n'ignore ce danger irréel et monstrueux, propre, silencieux, imperceptible et néanmoins omniprésent. La Centrale est un roman sur ce danger, un roman terrifiant qui ne raconte pourtant pas les «risques du nucléaire» en général, comme le ferait un livre documentaire écologiste, ou simplement scientifique. La Centrale s'intéresse aux hommes et rares femmes employés, ou plus exactement maltraités : la vie et le travail des sous-traitants du nucléaire, cette main-d'œuvre qui fait l'affaire d'EDF puisque, s'agissant d'intérimaires, elle n'est pas responsable des irradiations trop fortes et donc possiblement fatales. La Centrale est un premier roman et il est époustouflant.

Rien apparemment ne prédisposait Elisabeth Filhol à l’écriture. Après des études de gestion, son expérience professionnelle s’accomplit en milieu industriel : audit, gestion de trésorerie, analyse financière et conseil. Et voilà qu’à 44 ans Elisabeth Filhol démontre qu’elle est une écrivain, mais aussi qu’elle est plus préoccupée des hommes au labeur que de prospérité économique. Son style tient dans une minutie extraordinaire pour d