Il existe au moins trois façons de lire ce tout petit livre. La première est la plus simple : il suffit de se laisser porter par la plume du Prix Nobel de littérature 2001. V. S. Naipaul nous raconte des histoires et le fait diablement bien ; cela commence par l'évocation de sa famille indienne sur l'île caraïbe de Trinidad (1), puis l'on croise successivement un matelassier peu bavard et un certain Rahman, émigrant au Surinam qui publia ses souvenirs dans les années 40, quand, à la moitié de l'ouvrage, surgit Gandhi. Le Mahatma nous accompagne le temps d'une biographie de quelques dizaines de pages, au cours desquelles on aperçoit Aldous Huxley ; enfin vient Nehru, ainsi que la mère de Naipaul qui clôt ce récit. On se demande où l'auteur a bien voulu nous conduire et qu'importe si les Indes et les Indiens nous intéressent un peu, beaucoup ou pas du tout.
«Curieux défaut».Le Regard de l'Inde n'est pas un livre sur l'Inde - pour cela, on se reportera à la trilogie de récits de voyages que l'auteur a consacrée au sous-continent (2). Ce texte court, qui dans la version originale appartient à un recueil de cinq articles, s'intitule en anglais Looking and not seeing : the indian way. Regarder et ne pas voir. C'est la deuxième manière de le lire : une réflexion sur le regard.
Le grand roman de Naipaul, A la courbure du fleuve (3) s'ouvre par cette phrase célèbre : «Le monde est ce qu'il est.» Pas seulement, nous dit aujou