La polémique autour du livre Jan Karski a fait couler des litres d'encres et de pixels (vidéos en ligne de Yannick Haenel, en particulier) et a remis à l'ordre du jour la question esthétique des rapports de l'histoire et de la fiction, dont on connaît la solution aristotélicienne : la poésie a plus de valeur que l'histoire. L'article de Lanzmann s'intitule «Jan Karski de Yannick Haenel : un faux roman», ce qui peut surprendre, puisque la fiction semble, par définition, être le domaine du mensonge.
Le livre est sous-titré «roman» et sa première partie est une description par un spectateur, donc subjective, de l'intervention de Karski dans Shoah. Haenel utilise le procédé rhétorique de l'ekphrasis qui consiste à décrire une œuvre d'art, et inscrit son livre dans une théorie de la littérature où le référent est la médiation opérée par la littérature elle-même et non le supposé réel. L'écrivain déclarait ainsi à Libération en octobre que son récit de Shoah visait à «répéter le geste du témoin et à l'amener jusqu'au XXIe siècle, non pour me l'approprier, mais pour entrer dans l'histoire de la transmission». Raison pour laquelle certains ont pu trouver qu'il s'agissait d'un mauvais roman, puisqu'il ratait l'imitation du réel qu'on attendait de lui et préférait fonder «sa légitimité dans la tension entre le documentaire et la fiction, entre l'histoire et la poésie, entre le représentable et l'irreprésentab