On ne doute pas qu'on puisse donner ce qu'on a, une pièce, une pomme, une partie de son patrimoine. Ni du résultat : ce qu'on avait, on ne l'a plus. Mais si on se donne du bon temps, si on donne le bonjour, ou la main à quelqu'un, si on donne le change, le prétexte, des signes d'inquiétude, sa parole ou son amitié, si on «donne sa vie» à l'être aimé ou à un idéal, et si on «donne tout» - que n'a-t-on plus ? Il a été dit que la philosophie pouvait se borner à n'être qu'une réflexion sur le verbe être. Si elle se focalisait sur le verbe donner elle se… donnerait une tâche également immense, mais trouverait l'avantage de substituer à une pensée de la présence, dans laquelle le soi l'emporte, une pensée du don, dans laquelle, ce qui importe, c'est l'autre. Donner, en effet, a un sens en abîme. D'autant plus insondable qu'il englobe dare (donner, dans ses multiples acceptions usuelles) et donare (faire un don, offrir en cadeau), et d'autant plus paradoxal que, semblant présupposer une volonté ou une intention, il s'étend aux choses et aux êtres qui en sont dépourvus : ainsi le chien donne sa patte, l'horloge l'heure et le plaqueminier de beaux kakis, en hiver. Si on négligeait toutes les dénotations courantes pour ne conserver que la connotation de don,présent ou offrande, les choses ne seraient pas plus simples. Que dit-on quand on dit que les choses «s'offrent à nous», que les événements «se présentent», qu
Critique
Mais où es-tu don ?
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par Robert Maggiori
publié le 4 février 2010 à 0h00
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