Hédi Kaddour a intitulé son journal les Pierres qui montent, titre apparemment discordant. La gravité n'épargne pas les pierres. Cette image géologique lui est revenue pour parler de ces pépites qui émergent dans la littérature et qui existent aussi à ciel ouvert. Il suffit pour l'observateur qui chemine dans les pages et les rues de tendre la main. Son journal mêle à la fois notes de lectures, préparations de cours, chroniques et ses fameux croquis pris sur le vif.
C'est en chassant lors de ses balades quotidiennes que Kaddour ramène des petites saynètes, a priori anecdotiques. On le suit dans ses déambulations, de la place d'Italie aux Champs-Elysées, à Rambouillet, à Pornichet ou à Lille. Il repère deux filles dans le métro qui pouffent, l'explosion de joie d'un passant rue Quincampoix, le silence d'un couple quinquagénaire assis côte à côte dans une brasserie, des amoureux rue des Ecoles où l'homme «grogne de contentement», un fumeur de pipe au soleil couchant devant le restaurant le Doyen… Tout n'est pas bon à prendre, mais la fraîcheur qu'il arrive à restituer de la scène se déguste à chaque fois.
«Griffe». On le lit évoluer avec le même plaisir gourmet dans Chéri de Colette, expliquer la première page des Faux-Monnayeurs de Gide, pointer un souvenir raconté dans Montedidio d'Erri de Luca. L'ensemble donne un texte cultivé, gai, naturaliste, sautillant, qui peut se lire par becquées du soir. A ses étudiants, i