Rien ne ressemble plus à un roman de Per Olov Enquist qu'Une autre vie. On reconnaît dans l'autobiographie les mythologies personnelles et familiales qui nourrissent l'œuvre, le thème du transfuge, celui de la substitution, traité dans la Bibliothèque du Capitaine Nemo (1). On retrouve la scansion enquistienne, ses leitmotivs, ses blocs de récit qui semblent dériver, et obéissent en réalité à une vision très architecturée, originale, parfois déconcertante.
Bifurcations. Pourquoi ce titre, Une autre vie ? Per Olov, bientôt orphelin de père à six mois, vient au monde en 1934, sous le nom de son frère aîné, mort à la naissance deux ans auparavant. Est-ce «le petit cadavre dans le cercueil» qui va écrire ses livres ? Une rumeur, selon laquelle il y a eu échange de bébés chez une tante, parachève sa certitude d'être «un autre». Une «autre vie», c'est aussi celle qui commence en 1978 : Enquist se remarie, s'exile quinze ans au Danemark et devient alcoolique, une des «maladies professionnelles des écrivains», avec «la paresse et la paranoïa». La dernière partie du livre relate la manière dont il s'en sort, plus que le cauchemar feutré dans lequel il a sombré.
Nombreuses sont les variations possibles si on joue à cartographier son existence (une marotte du jeune Per dans son Nord natal). On compose avec «les carrefours» et les bifurcations de tout trajet individuel. Comment expliquer que