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Libération
Critique

L’histoire de France ressert Lavisse

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L’évolution de la discipline à travers la réédition de ce héraut de la nation
publié le 11 février 2010 à 0h00

Après celle de Michelet, les éditions des Equateurs rééditent l'Histoire de France d'Ernest Lavisse, l'autre grand monument de l'historiographie nationale, 27 volumes initialement parus entre 1901 et 1922. Les deux œuvres, évidemment, ont peu de choses en commun. Autant celle de Michelet est personnelle, bouillonnante, convulsive presque, portée par une inspiration de nature passionnelle, autant celle de Lavisse est grave, «scientifique», empesée parfois. Mais l'une comme l'autre rendent compte d'étapes essentielles dans la conception et surtout les usages de l'histoire. Et Lavisse, à ce titre, se révèle autrement influent : il incarne ce moment décisif où l'histoire, discipline désormais fermement constituée, associe son destin à celui de la République pour édifier avec elle le grand roman national.

Précepteur. Lorsqu'il se lance dans cette entreprise en 1892, Ernest Lavisse est devenu le grand «patron» des études historiques en France. Depuis 1888, il est professeur à la Sorbonne, mais il règne aussi sur l'Ecole normale supérieure, dont il prend la direction en 1904. Il est également l'une des éminences grises du ministère de l'Instruction publique : en 1885, il a fait créer le «diplôme», qui contraint les nouveaux licenciés à un travail de recherche, il a réformé l'agrégation et travaille à la loi Poincaré qui réorganise un peu plus tard l'enseignement supérieur. Il dirige par ailleurs l'influente Revue de Paris, est tout-puissant chez Ha