Au cours des trente dernières années, les romans épistolaires par mail ont peiné à faire aussi bien que leurs ancêtres sur papier. Le courrier matériel avait en effet l'avantage de pouvoir se perdre, se croiser, être raturé, alors que l'écrit télématique étant instantané, il semble se succéder platement, en plus de donner mal à la tête parce qu'on peut en expédier toutes les minutes et qu'il faut lire précisément la date et l'heure de l'envoi pour comprendre les subtilités de l'échange. Seul avantage romanesque sur la lettre timbrée : il se transfère d'un clic à la terre entière. On est clairement dans l'ordre de la saturation (Foucard dirait «confusion»), plutôt que dans cette redistribution des places et des frontières qu'opérait le roman par lettres.
Si Daniel Foucard a choisi d'écrire Casse comme une série de mails à sens unique (il s'adresse à un «cher Li» dont on ne lit, si l'on ose répéter, jamais les réponses), ce n'est pas pour faire le mariole, mais pour profiter d'une amélioration technique et littéraire récente : pouvoir balancer des textes de n'importe où, avec photo et vidéo, à tout le monde en même temps si l'on veut, façon Twitter ou Facebook. Son narrateur, qui se décrit comme un ancien «cyber SDF», squatte ainsi un coin de trottoir d'où il écrit ses mails (sur iPhone ou Netbook, on ne sait) en décrivant parfois ce qu'il a sous les yeux et en exigeant souvent la même réactivité immédiate de son correspondant : «Réponds»