Devant le débat lancé par un ministère qui en son nom porte la honte d'associer identité nationale et immigration, Jean-Luc Nancy est frappé de stupéfaction. Les raisons en sont profondes, et lointaines : contre une philosophie du sujet conçue comme fermeture sur soi, toute l'œuvre de Nancy montre en effet que chaque être est «singulièrement pluriel» et «pluriellement singulier», autrement dit que tout ce qui existe, en fait, coexiste - et qu'il est donc difficile d'«envisager un horizon d'"identité"». Mais, ici, elles tiennent à l'actualité : le philosophe n'en revient pas que «des termes aussi chargés que "identité" et "nation", lestés par un demi-siècle au moins de questionnements philosophiques, psychanalytiques, ethnologiques, sociologiques et politiques, se trouvent allègrement propulsés en objets de "débat"». La stupeur immobilise ou fait «tourner en rond». De celle de Jean-Luc Nancy, se sont «détachés ces fragments, à la hâte», composant l'éclairant petit livre publié aujourd'hui : Identité.
«Index tendu». Qu'est-ce que l'identité ? La formule est condensée : «L'identité est l'événement appropriant d'un "un" (personnel ou collectif)». Pareil événement «n'a pas lieu une fois, mais sans cesse». Aussi devrait-on parler d'«exappropriation» (Derrida), puisqu'il n'y a jamais un sujet fixe, déjà identifié, auquel l'appropriation reviendrait : «chaque fois i