«Pour mes parents, le fait que je fasse Sciences-Po, c'est extraordinaire, alors que pour certains parents, c'est juste normal, comme s'ils allaient chercher du pain et moi c'est le truc qui me frustre le plus. Ça me fout la rage comme pas possible.» Cette ancienne élève du lycée Jean-Renoir de Bondy (Seine-Saint-Denis) est en première année de Sciences-Po. Elle y est entrée grâce aux Conventions éducation prioritaire - qui offrent aux lycéens de ZEP une voie d'accès spécifique pour intégrer cette école - et le monde qu'elle découvre est un choc : des jeunes de bonnes familles pour qui il est naturel d'être là…
Le dernier numéro de la revue Actes de la recherche en sciences sociales, fondée par Pierre Bourdieu, propose un passionnant dossier sur la reproduction sociale à l'école et sur les inégalités qui perdurent malgré les politiques d'«égalité des chances». Des chercheurs comme Choukri Ben Ayed et Franck Poupeau, les coordinateurs du numéro, ou encore Agnès Van Zanten, analysent comment le système scolaire français génère de la ségrégation que l'Etat paraît bien timide à combattre. Ils soulignent aussi que les tentatives pour accroître la mixité se heurtent à la volonté des parents de ne pas mélanger leurs enfants avec les «autres» et de rester dans un entre soi rassurant.
L'une des enquêtes les plus nouvelles a été menée par trois sociologues dans quatre lycées de Seine-Saint-Denis qui ont signé des partenariats avec Sciences-Po. Les élèves qui s