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Libération
Critique

Jouir de colère

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Le premier roman de Murat Uyurkulak, une plongée aventureuse dans la gauche turque
publié le 18 février 2010 à 0h00

N'entre pas ici qui veut. Tol, premier roman de Murat Uyurkulak, 38 ans (mais 30 au moment de son écriture), est muni d'une porte à tambour un peu battant. Et d'un mode d'emploi par lequel il faut commencer, même s'il se trouve à la toute dernière page. On y explique la signification de certains prénoms (Sair, «Poète» ou Ada, «Ile»), ou leur clé (ainsi Gül, la Rose, fait référence à Rosa Luxembourg) et la valeur des personnages historiques turcs cités, dont un paquet de militants communistes et révolutionnaires.

Quant à tol, cela signifie «colère» en kurde et, avec un «l» en plus, «fou» en allemand, langue d'émigration privilégiée. La tonalité générale est ainsi celle du maudit, du mal dit, de la poésie. Echantillon à la page 203 : «Oh, silence du temple incendié, imam jouvenceau, pope aux yeux porcins amateur de fillettes, oh, mégalithes, oh, gastrites. Culottes sales du plus délicat des poètes, passage aux latrines des reines de beauté. L'imbécile ne se doutait même pas que l'amour de sa vie avait des envies de pisser. Peuple qui cherche à rejeter ses chaînes.»

Tol est ainsi un roman à foison, un texte-constrictor, plutôt corail que choral, même si les voix s’y mêlent. Le narrateur se nomme Yusuf. Le raki est son ami, et le cognac, et le hasch, ce qui explique souvent les approximations de son discours, les accrocs au continuum spatio-temporel. Il est apparemment accusé de terrorisme, mais il ne sait ni pourquoi ni tout à fait comment. Il croit