Ce pavé doux et déroutant de 800 pages et plus, c'est une vie tout entière immergée dans la problématique du siècle qu'il traverse, le siècle XXe - celui, pour reprendre le mot de Rosa Luxembourg, de «socialisme ou barbarie». Pas une somme définitive et objectivée, pas l'histoire qui se hausserait au col exhaustif d'un grand H, dans l'exercice autobiographique défini par les canons du genre : si d'histoire il est ici question en permanence, c'est comme configuration où Michel Lequenne, trotskiste jamais renié de 89 ans, tisse le motif buissonnier d'une existence à beaucoup d'égards clandestine, évoquant pour ses dédicataires une «histoire cachée du siècle passé». Et si l'objet est sans conteste autobiographique, c'est sur un mode ludique et quasi oulipien dont les bibliothèques seraient les jalons.
Bibliomane. D'où ce titre déroutant : le Catalogue (pour mémoires). Ce catalogue-là qui au premier titre, si l'on ose dire, fit de son auteur ce qu'il fut ; et pas in memoriam, mais bien en guise de mémoires aussi pluriels que singuliers. Lequenne y établit modestement que cette vie-là, sa vie, faite de tous les espoirs et de nombre d'échecs, en vaudra bien d'autres tant que, quoi qu'il advienne, il restera les livres.
Le sien en vaut bien d'autres. C'est à première vue une entreprise foutraque, dont l'auteur énonce en sa préface le pragmatique «mode d'emploi» qui serait tout à la fois celui d'un «