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Libération
Critique

Nabokov chez les xiphopages

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Siamois, savoir, désir au fil des nouvelles complètes
par Bernardo CARVALHO
publié le 25 mars 2010 à 0h00

Vladimir Nabokov (1899-1977) détestait la psychanalyse, les interprétations et les généralisations, mais ses nouvelles, lues comme un ensemble, paraissent proposer une théorie générale de la littérature fondée sur le déplacement des désirs, ce qui n'aura sûrement pas échappé à l'auteur. Il est évident que Nabokov croyait au pouvoir incantatoire de la littérature et à son autosuffisance pour produire un savoir spécifique, novateur, presque magique, ou alors il n'aurait pas écrit Lolita (1955), un livre capable de faire ressentir dans sa propre chair au plus endurci des moralistes le désir du pédophile. C'est de ce pouvoir-là que parlent beaucoup de ses nouvelles, réunies maintenant dans leur intégralité, avec deux inédits, dans la collection «Quarto» chez Gallimard.

Double. Nabokov était le premier à dénoncer les tentatives de réduire la littérature à la simple illustration des autres savoirs. Mais bien que conçues tout au long de presque quarante ans et couvrant une gamme de sujets et de genres aussi variés et intemporels que le premier amour, le duel, les agents secrets et la science-fiction, en passant par le thème du double qui, comme d'autres, finira par se décupler largement dans les romans, il est difficile de ne pas voir dans ces nouvelles peuplées d'exilés russes qui tentent de survivre comme ils peuvent entre Berlin et Paris, des images qui illustrent une idée très particulière de la littérature et plus précisément de la fiction. Une idée qu