Deux livres de Virginia Woolf aux éditions Le Bruit du temps. Le premier - Le temps passe - est une variante de la section centrale de la Promenade au phare. Le second est une histoire de chien, Flush.
Petits livres, ils ont apparemment tout pour être anodins. Mais très vite l'œil est capté, de phrase en phrase : «Un vert pâle s'avive comme une feuille qui se retourne dans le creux de la vague.» Ou encore : «La nuit cependant succède à la nuit. L'hiver en tient un paquet en réserve et les débite impartialement, avec des gestes infatigables.» On ne saurait s'y tromper, c'est au-delà du simple constat, mais ça ne poétise pas : Le temps passe, traduit par Charles Mauron en 1927 dans Commerce, c'est de la prose qui s'invente.
Mantes. Quant à Flush, publié en 1933, c'est bien sûr une biographie excentrique, celle du cocker d'Elizabeth Barrett Browning («la plus célèbre poétesse d'Angleterre»). Et aussi un pastiche des Eminents Victoriens de Lytton Strachey, l'ami de Virginia qui venait de mourir en 1932. Mais voilà, un cocker, c'est d'abord un défi à l'écriture, celui que lancent les sensations - et avant tout les odeurs. Suivons Flush : «A ces fumets de victuailles, d'autres odeurs survenant se mêlaient - odeur de cèdre et de santal ; odeurs de corps mâles et de corps femelles, de domestiques et de filles de chambre, de vestes et de pantalons, de crinolines et de mantes ;