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Critique

Billetdoux, en somme

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L’auteur de «Mes nuits sont plus belles que vos jours» déplie quarante ans de vie
publié le 1er avril 2010 à 0h00

C'est un monstre, un livre monstrueux. Indéfinissable dans sa forme. Ni journal littéraire ni correspondance d'écrivain. C'est une liasse de documents de quelque 1 500 pages livrée en bloc. Prenez tout, semble dire Marie Billetdoux. Sans un mot d'explication. Voilà donc quarante ans d'existence, 1968-2008, compulsés dans une correspondance hyperactive et dévorante par l'auteur de Mes nuits sont plus belles que vos jours. Elle a tout conservé. Des appuis maternels aux critiques dans la presse, des admirations de ses lecteurs à ses requêtes auprès des éditeurs, de ses échographies aux bulletins de son fils. Un don total, une vie en abyme. De son adolescence à sa vie de femme, aujourd'hui âgée de 59 ans.

Raphaëlle, qui a décidé de changer de prénom le 10 octobre 2003, a 17 ans en janvier 1968. Premier destinataire de sa frénésie épistolaire : son père, François Billetdoux, dramaturge en vue. La jeune fille dit sa confusion, livre ses doutes, ceux d'une nature sensible et émotive. La nuit, elle pleure «pour soulager sa jeunesse». La chair intime d'emblée s'expose sans détours. «Si je te savais quelque tristesse à mon sujet je te prierais de m'en faire part.» En 1997, elle fera de lui un portrait posthume dans Chère Madame ma fille cadette. Son obstination à tout dire de son géniteur, présenté aussi comme un ours qu'elle juge traumatisé par la mort violente de son père à lui près de son berceau (1), creusera les premières fêlures dans le cocon f