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Critique

Pleins gaz

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Eloge du travail manuel par Matthew B. Crawford, philosophe mécano
publié le 1er avril 2010 à 0h00

Certes, il y a bien Spinoza, qui dans son atelier polissait les verres de lunettes. Mais, en général, les philosophes ont plutôt la tête dans les nuages que les mains dans le cambouis. En imagine-t-on qui, tout en dissertant sur Platon ou Hannah Arendt, installent de nouveaux joints de fourche sur une Honda Magna V45 de 1983 et avec un pied à coulisse à vernier mesurent la compression d'un ressort de soupape ? Pour en rencontrer un - il ressemble à un Marlon Brando en tee-shirt graisseux, parfumé au Solvant B-12 - il faut aller à Richmond, en Virginie. Dans un «quartier décrépit», près de la gare, il y a le grand entrepôt en briques de Shockoe Bottom. En cherchant bien, entre une menuiserie, le dépôt d'un ferrailleur et quelques commerces plus louches, on trouve derrière une vitrine opaque l'atelier Shockoe Moto : c'est là que travaille Matthew B. Crawford. «Les cames et les culbuteurs ne paraissaient pas présenter de problème. Ils étaient même en parfait état. Toutes les soupapes du cylindre numéro 2 étaient trop serrées, je les ai donc ajustées à la cote de 0,005 in. (0,13 mm).»

Fuite d'huile. Matthew B. Crawford a découvert la philosophie alors qu'il était en quatrième année à l'Université de Californie : «une véritable illumination», qui le pousse à la lecture des classiques, de Marx, de Heidegger, mais aussi de Michael Polanyi, Alasdair MacIntyre ou Iris Murdoch. Il était déjà diplômé en physique, mais, ne trouvant guère de déb