En dévorant le nouveau chef-d'œuvre de Guillaume Musso, la Fille de papier, le lecteur honnête ne pourra s'empêcher de songer à Proust. «La vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la seule vie par conséquent réellement vécue, c'est la littérature», a écrit le prédécesseur de Musso, dans le Temps retrouvé. Pourquoi cette soudaine réminiscence ? Commençons par rappeler le contrat a priori anodin que la Fille de papier nous propose en quatrième de couverture : «Tom Boyd, un écrivain célèbre en panne d'inspiration, voit surgir dans sa vie l'héroïne de ses romans. Elle est jolie, elle est désespérée, elle va mourir s'il s'arrête d'écrire. Impossible ? Et pourtant…» Voilà donc l'enjeu : écrire comme si la vie en dépendait. Mieux : comme si la vie d'une jolie fille en dépendait, la fille même sur laquelle on est précisément en train d'écrire. Ainsi le roman, ce serait donc la vie, et sa fin, la mort. Le sujet de Musso est la littérature elle-même ! Une telle ambition surprend chez cet auteur.
On a en effet raillé Musso pour l’apparente pauvreté, pour ne pas dire l’indigence, de ses intrigues et de son écriture. C’était négliger le fait que ce romancier, qui a vu le jour à Antibes peu après Jacques Audiberti, a amené à la lecture des gens qui avaient presque définitivement vendu leur âme aux écrans et à leurs pauvres diversions en seize-neuvième (dans le meilleur des cas). Or voici qu’après un époustouflant tête à queue, cet écriv