On ne réalise jamais aussi bien la difficulté d'un tour piqué ou d'une croix de fer que lorsque le danseur ou le gymnaste rate sa figure, tombe, tremble. Peut-être parce qu'on aperçoit alors, d'un coup, la myriade d'éléments qui s'opposent aux voltiges, le poids du corps, les lois de l'équilibre, la tension musculaire, l'émotion, mais à l'encontre desquels le ballet ou l'exercice jouent leur possibilité même. Aussi un traité qui s'intitulerait Contre la danse ne serait pas forcément un pamphlet qui dénigrerait cet art, mais, au contraire, une réflexion sur tout ce qui «affecte» la danse et ce contre quoi elle doit aller pour être danse. C'est un peu en ce sens qu'il faut entendre le titre, trompeur de prime abord, que Guillaume Pigeard de Gurbert donne à son essai : Contre la philosophie n'est vraiment pas une critique de la philosophie mais un authentique exercice philosophique, profond et original, développant l'idée que la philosophie n'existe que par la rencontre de ce qui l'empêche.
Mistral.«Ramifier l'être de la pensée jusque dans la nervure inerte de ce qui ne pense pas», écrivait Michel Foucault dans les Mots et les Choses. Pour centrer l'idée qui porte Contre la philosophie, il faudrait inverser la phrase : faire que la nervure inerte de ce qui ne pense pas puisse en se ravivant stupéfier l'être de la pensée afin que de cette «interdiction» naisse la possibilité de la philosophie. En effe