Les libelles font-ils les révolutions ? Peut-être pas mais ils y contribuent. Les décennies qui précèdent la Révolution française sont une période de mise en cause de plus en plus radicale d'une monarchie en voie de désacralisation. Aux glorieux philosophes des Lumières succède dans la décennie 1780 une génération d'écrivains de seconde zone qui aspirent à la gloire littéraire de leurs aînés. Sans le sou, ces «Rousseaux du ruisseau» survivent en multipliant les écrits de circonstance, en premier lieu les libelles. De quelques pages à plusieurs volumes, leur principe est simple : il s'agit de diffamer les grands en racontant des anecdotes scandaleuses tout en dissimulant les attaques dans des allusions que le lecteur doit décrypter, ce qui lui donne l'enivrante sensation de pénétrer les mystères de l'Etat, si opaques à l'époque de la monarchie absolue. Ces libelles, qui manient sans scrupule le vrai et le faux, provoquent chez le lecteur des réactions très variées, estime Robert Darnton, allant de la crédulité naïve au scepticisme raffiné. Ils sont cependant toujours pris au sérieux comme source d'information, ce qui fait d'eux une arme politique redoutable.
Police. Le Diable dans un bénitier, libelle publié en 1783, décrit ce milieu des pamphlétaires. Beaucoup sont réfugiés à Londres où règne une liberté de la presse inconnue en France. Ils y vivent clandestinement, accumulant les rancœurs contre le régime qu'ils avaient fui. Beaucoup d'entr