Plus le journal de Claude Michel Cluny se rapproche de nous, plus l'intérêt est vif. Cela tient à l'habitude qu'on a prise de ce regard original porté sur ses contemporains, peu amène, éventuellement antipathique, et puis bouleversant soudain, dès qu'il s'agit d'amour. Une forme d'hédonisme a chassé les dépressions saisonnières en principe inhérentes à ce genre d'exercice. Il s'en est expliqué dans le tome VII : «Tenir un journal relève d'un double pari. Savoir parler de soi et tenir à distance ses jérémiades tout comme ses glorioles ; avoir l'intuition critique de noter et commenter le peu qui sera susceptible d'intéresser on ne sait qui ni quand.» Le diariste, ici, procède par moments parfaits, par portraits et paysages, vignettes sans date, aphorismes. «Veiller à être heureux sans faire souffrir ceux qui nous aiment.» Ou bien, daté mais mystérieux : «18 septembre. - Encore et encore la pisseuse punaise du troisième !»
Guerre. L'entreprise s'appelle l'Invention du temps. L'explication du titre est à lire dans Sous le signe de Mars, réédité en collection de poche, où Claude Michel Cluny, né en 1930, relate comment la guerre a «formé» sa jeunesse, comment son existence entière allait être infléchie par une expérience amoureuse duelle. D'une part «le désir du bonheur» promis par la fréquentation d'un garçon de son âge, d'autre part «le malheur du désir» éprouvé dans les bras d'un soldat al