Si le film Indigènes a attiré l'attention du public sur la guerre que menèrent les combattants coloniaux sous le drapeau tricolore entre 1939 et 1945, le sort que réservèrent le Reich et le régime vichyste aux quelque 70 000 prisonniers coloniaux capturés après la défaite de 1940 reste méconnu. Leur destinée fut souvent tragique et à coup sûr insolite. Loin d'être transférés outre-Rhin, les captifs furent maintenus en France, l'Allemagne nazie craignant les maladies exotiques dont ces sous-hommes auraient été porteurs tout en souhaitant éviter, par leur présence, le souvenir de la «honte noire» - l'occupation de la Ruhr par des hommes de couleur (1923). Rassemblés dans des casernes ou des baraquements de fortune, leur détention fut particulièrement sévère. Malades (la tuberculose notamment), mal ravitaillés, soumis au travail forcé, ils pâtirent surtout d'une grande détresse morale que l'éloignement du pays natal ne pouvait qu'amplifier. Des marraines de guerre et des assistantes sociales, pourtant, adoucirent leur sort - au point que des couples se formèrent. Le régime de Vichy essaya d'obtenir quelques libérations pour raisons sanitaires, dont Senghor bénéficia, tout en menant une politique ambivalente.
L’Etat français accepta en 1943 de prendre sous sa garde les coloniaux, transformant les supérieurs de 1940 en geôliers. Cette situation baroque généra malentendus et récriminations, puisque les captifs, au mépris des conventions de Genève, travaillèrent parfois pou