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Critique

Godin clair et miettes

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Métamorphoses de la société et des individus d’aujourd’hui
publié le 29 avril 2010 à 0h00

Dans le pain, il y a toute la nature : la terre qui fait germer le grain, l'eau qui abreuve le plant, l'air qui l'entoure de «son enveloppe bienveillante et invisible», le feu du soleil qui le dore. Le savoir-faire des hommes lui apporte la culture, «ajoutant à la "terre" de la farine l'eau qui la métamorphosera en pâte puis l'air de la fermentation et enfin le feu de la cuisson». C'est pourquoi le pain est tout - l'aliment global par excellence -, alors que la miette n'est presque rien, sauf pour les moineaux : elle n'est pas une miche mais une petite mie, qui elle n'est déjà pas grand-chose, a la faiblesse de l'enfant - le mioche -, la volatilité de la poussière, et une inconsistance telle que, précédée d'un ne, elle tend vers zéro : «n'y entendre mie» n'est pas plus entendre que «n'y entendre goutte», et si on «n'en attrape miette», dans les mains on n'a que du vent.

Myopie. Qu'est-ce que la boulangerie vient faire, dira-t-on, dans un ouvrage qui, signé de Christian Godin, maître de conférences à l'université de Clermont-Ferrand, doit forcément être de philosophie ? Dans le Pain et les miettes, Godin, auteur d'une trentaine d'ouvrages, dont la somme (sept volumes) que représente la Totalité mais aussi ce succès qu'a été la Philosophie pour les nuls, utilise la métaphore boulangère pour opposer le tout et la partie, l'uni et l'éparpillé - pôles entre lesquels