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Libération
Critique

La pêche à la lignée

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Une méditation de Martine Segalen sur la place de l’enfant, aujourd’hui en «multipropriété»
publié le 29 avril 2010 à 0h00

Dans un de ses derniers livres (le Fossé des générations) l'anthropologue Margaret Mead - qui en connaissait un rayon sur les enfants et sur les modes éducatifs - écrivait :«Les parents peinent à transmettre des modèles aux jeunes qui, adeptes des offres de la modernité technique, s'emparent d'un futur qui ne ressemble en rien aux expériences d'il y a seulement dix ans.» En citant dans son introduction ces lignes prémonitoires, la grande socio-historienne de la famille qu'est Martine Segalen donne le ton de son essai, qui laisse le lecteur sous le charme tant il sonne juste. Il fourmille de clés pour décoder le fossé actuel qui se creuse à partir de la préadolescence entre des enfants et des parents pas si vieux que ça… - jeunes quadras en général qui sont encore parfois eux-mêmes enfants de leurs parents (à moins que ce ne soient eux qui, à l'inverse, doivent se positionner en parents de leurs parents) ! Bref on est en plein brouillage ou brouillard entre générations. Qui est enfant de qui ? Et d'ailleurs, qu'est-ce qu'être un enfant en 2010 ?

Mais ce livre est tout sauf un traité de sociologie. C’est une méditation, à la fois savante et humoristique, sur la société appelée par certains «postmoderne», qualificatif que l’auteure n’aime guère, balayant allégrement tous les jargons ou débats rhétoriques du style «droit à l’enfant ou droit de l’enfant ?» et autres clichés.

Le tout biologique. Reprenons l'histoire par le bon bout. Tout a basculé