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TRIBUNE

Plaidoyer pour la «psychologie littéraire»

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par Anne Emmanuelle Berger, Professeure de littérature française et d'études de genre, Paris-8 et Cornell University
publié le 3 mai 2010 à 0h00

A côté des approximations, des erreurs factuelles, des faux scoops et des extrapolations tendancieuses que les critiques de l’ouvrage d’Onfray ont eu raison de dénoncer, je soulignerai une aberration méthodologique : la confusion entre l’«homme» Freud et l’œuvre de Freud. Admettons que Freud, comme tout être humain, ait eu des faiblesses et des petitesses. Personne n’est irréprochable, et surtout pas les faiseurs de reproches. Mais une vraie œuvre est toujours plus grande que son auteur. Et si Nietzsche, dont prétend se réclamer Onfray, dit à juste titre qu’une œuvre ou un système peignent toujours d’une certaine manière le portrait de leur auteur, il ne veut évidemment pas dire qu’ils racontent sa vie par le menu.

«Je est un autre», constatait Rimbaud à propos du «sujet écrivant». Et c'est bien évidemment de cet autre que l'écriture philosophique ou littéraire trace le portrait en filigrane. Prendre la «vie du corps» - version nietzschéenne de la vie intérieure - pour la vie de tous les jours, comme le fait Onfray, est un contresens. On retrouve dans cette biographie «intellectuelle» tous les ingrédients dont se repaît le discours people d'aujourd'hui : addictions (Freud «prenait de la cocaïne»), rumeurs de liaisons adultères, compromissions politiques et autres matières à «scandale». Baudelaire était opiomane et, contrairement à Freud, grossièrement misogyne : faut-il cesser de le lire ?

La conversion d’Onfray à l’antifreudisme a tous les traits d’