Sur la une du premier Libé, cette manchette : «Un quotidien libre». Nous avons beaucoup changé depuis ce jour de 1973. C'était le temps de la révolution prochaine, du communisme rêvé et de l'illusion dangereuse. Sans rien abandonner de notre volonté de justice, nous sommes descendus du ciel des utopies sur la terre des combats difficiles et des réalités exaltantes. Nous avons traversé plus de trois décennies de tumulte du monde, en oubliant peu mais en apprenant beaucoup. Sur un point, en tout cas, nous n'avons pas changé : Libération est libre. Les journalistes décident seuls, chaque jour, de ce qu'ils doivent écrire; ni parti ni puissance d'argent ne peut altérer un travail d'enquête et de reportage qui ne doit rien qu'à lui-même, à cette volonté de comprendre le monde et de le transformer. Ce grand livre des unes en porte témoignage : le style, c'est le journal. Libération s'est fait connaître, d'abord, par l'impertinence de ses premières pages. Celles-ci sont de toutes les époques, des plus anciennes aux plus récentes. On le vérifiera sans peine, à la lecture de ce livre d'images de l'ancien et du nouveau siècle : nous sommes restés libres de rester nous-mêmes…
Nous avons bientôt trente-sept ans : jeune pour un journal. A cet âge, on a la vie devant soi. A cet âge, on a en même temps l’expérience et l’énergie. Il vaut mieux. Les journaux doivent affronter le plus grand défi qu’ils aient connu depuis la guerre, réinventer leur modèle pour passer