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Libération
Interview

«Je ne veux pas écrire en mandarin, ni même être traduite et publiée en Chine»

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Rencontre à Paris avec la romancière américaine née à Pékin
publié le 6 mai 2010 à 0h00

Yiyun Li, née en 1972 à Pékin, vit aux Etats-Unis. En 2005, son premier recueil de nouvelles, A Thousand Years of Good Prayers («Un millier d'années de bonnes prières», bientôt publié par Belfond), lui a valu la reconnaissance immédiate des médias américains et du magazine britannique Granta, qui l'a désignée comme l'un des meilleurs jeunes auteurs. Un beau Jour de printemps(The Vagrants) est son premier roman. Rencontre à Paris, mi-avril.

Quels sont vos souvenirs de 1979, année d’Un beau jour de printemps ?

J’avais 7 ans, la Chine sortait de la Révolution culturelle, et je savais déjà que j’en partirais un jour. A cette époque, on conduisait les enfants voir les condamnés à mort exhibés devant le peuple. Tout le quartier assistait à ces célébrations, il y avait des drapeaux, des orchestres, les gens chantaient. Nous, les enfants, nous ne comprenions rien, on ne voyait que le côté festif. Mais je sentais bien que quelque chose n’allait pas dans ces cérémonies. Une fois, il y avait une femme que j’ai reconnue à ses cheveux parmi les autres condamnés au crâne rasé. J’ai été marquée à jamais, cela m’a inspiré ce roman, le premier que j’ai écrit. Ces images violentes, nous les gardions pour nous. A la maison, on savait qu’on ne devait pas en parler, cela créerait des problèmes. Il y avait beaucoup de choses dont on ne parlait pas, par instinct. Ma mère m’ayant souvent critiquée parce que j’avais le cœur trop tendre, j’ai appris a ne pas montrer mes sentiments ni mes émotions. Les gens sont tellement cruels… c’est