Le 21 mars 1979, jour d’équinoxe de printemps, la petite ville de Rivière boueuse s’éveille. Le vieux professeur Gu est le premier à entendre le bulletin matinal : «Bonjour, ouvriers, paysans, camarades révolutionnaires…» Dans les rues, ont été tendus dans la nuit des draps blancs couverts d’idéogrammes rouges, annonçant l’exécution ce jour de «la contre-révolutionnaire Gu Shan». Gu Shan, 28 ans, est la fille du professeur Gu, vieil érudit qui a grandi avant la Révolution et a déjà beaucoup donné à Mao. Pour le professeur, il s’agit de la deuxième mort de sa fille. La première, c’était lorsqu’elle est devenue, à 14 ans, «la proie de passions qui devenaient incompréhensibles à son père : d’abord partisane fanatique du Président Mao et de sa Révolution Culturelle, puis dissidente inflexible et critique sévère du zèle révolutionnaire de sa génération». Lorsqu’elle était garde rouge, Gu Shan a donné des coups de pieds dans le ventre d’une voisine enceinte. Chaque matin, le professeur et sa femme préparent un petit déjeuner pour la petite Nini, 12 ans, handicapée d’une jambe et d’une main. Mais pas ce 21 mars. Madame Gu est occupée à trier les anciens vêtements de sa fille. Selon la coutume interdite, à la mort d’un enfant, les parents brûlent ses habits et ses chaussures afin qu’il ne prenne pas froid dans l’au-delà. La dernière fois qu’elle est allée la voir en prison, la fille de Madame Gu, devenue folle, ne l’a pas recon
Critique
Printemps de chien
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par Pascale Nivelle
publié le 6 mai 2010 à 0h00
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