Ce fut, selon les mots de l'historien Jean-Louis Planche en introduction, le «plus grand massacre de civils dans l'histoire de la France contemporaine». Au départ, le 8 Mai 1945, les habitants de Sétif et Guelma fêtent en cortège la victoire sur l'Allemagne nazie, et certains Algériens en profitent pour exprimer leurs désirs d'indépendance. Tensions, échauffourées, et dérapage : un policier abat un scout qui brandit un drapeau algérien. S'ensuivent des meurtres d'Européens, puis des semaines de massacres menés par l'armée française et des milices.
Planche décrit une «psychose meurtrière» durant plusieurs mois, avec rafles, détentions arbitraires, exécutions et destruction des cadavres dans des fours à chaux. Seul le nombre de victimes européennes est connu : une centaine environ. Côté Algériens, ils sont des milliers. Mais combien ? Alger parle de 45 000 morts, Planche de 20 000 à 30 000 morts. Ces faits ont longtemps été niés ou minimisés, côté français, jusqu'à ce qu'en 2005, Paris, par la voix de son ambassadeur à Alger, reconnaisse «une tragédie inexcusable».
Soixante ans après les faits, le photographe marseillais Abed Abidat a parcouru l'Est algérien à la recherche de survivants. Il en rapporte de belles images de l'Algérie d'aujourd'hui, et le récit des faits, du point de vue des Algériens. Un témoin, Ahmed Semchedine, résume : «Au matin, ils se sont mis à tuer, le maire à leur tête, à tuer jusqu'au dégoût.» A Aïn Abessa, Laouamen Aïs