Le prochain tournoi de Wimbledon accueillera un poète en résidence. Matt Harvey produira un poème chaque jour, et déclamera ses textes dans les travées de l’All England Lawn Tennis and Croquet Club. Il chantera la raquette, le gazon et la pluie. C’est une belle idée. Les Anglais ont ce genre d’idées. L’été dernier, l’aéroport d’Heathrow a hébergé un écrivain (Alain de Botton). La BBC, Marks & Spencer, British Telecom et plusieurs autres temples de la britannité ont, eux aussi, offert une résidence à un poète. Depuis une plateforme gazière de la Mer du Nord, Andrew Fusek Peters a naguère envoyé des vers délicieux, après quatre jours d’entraînement intensif aux manœuvres de sécurité.
La France a une culture différente. Elle préfère appointer des conteurs dans les palais de la République. L'Elysée abrite depuis trois ans un fabuliste singulier, qui a commencé par des œuvres courtes. «Nous irons chercher la croissance avec les dents.» C'était une allégorie. Nous eûmes aussi : «Avec Carla, c'est du sérieux.» Probable évocation de Quasimodo pantelant devant Esmeralda. Puis vinrent les tirades kilométriques sur «la politique de civilisation» et autres sujets monumentaux. Désormais, le conteur électrique s'essaie au storytelling. Le 5 mai, au milieu d'une grande causerie sur les violences scolaires, il digressait : «J'ai moi-même visité un établissement en région parisienne où l'enseignante - c'était une femme - me dit : "Il me manque deux élèv