D’où est née l’idée de Stalker et de la Zone, à la fois dangereuse et attirante ?
L'histoire est née d'un rien, d'une observation tout à fait aléatoire. En nous promenant dans un bois, nous sommes tombés sur une clairière régulièrement souillée par les amateurs de pique-nique en forêt : papiers gras froissés, bouteilles vides, une chaussure oubliée sous un buisson, quelqu'un avait jeté les piles de sa lampe de poche, les boîtes de conserve traînaient dans les restes d'un feu de camp et il restait une flaque d'huile là où une personne avait vidangé son moteur. Et l'un d'entre nous s'est demandé : «Comment les petits êtres qui peuplent ce bois - les oiseaux, les scarabées, les fourmis, un renard apeuré mais curieux - ont-ils pu interpréter cette dévastation ?» Le sujet s'est instantanément imposé. Le soir même, nous avions inventé la Visite, la Zone, les chasseurs de miracles au sein de cette Zone (qu'à l'époque nous appelions «trappeurs»). Le récit, je m'en souviens, a été facile à écrire, sans blocage.
Pourquoi Tarkovski a-t-il choisi de l’adapter ?
Je ne sais pas. A mon avis, il était plus préoccupé par l'image de la Zone, qui est d'ailleurs la seule chose qui soit restée dans le film. Il était très difficile de travailler avec lui, mais c'était diablement amusant. Nous avions décidé dès le début que le destin nous avait conduits à travailler avec un génie et que nous devions nous plier à tous ses caprices, sauf s'ils entraient en contradiction avec notre vision du monde. Le plus dur a été de le convaincre que la fiction n'avait pas à être «fabuleuse», qu'il fallait dépeindre le monde de façon