Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. Mais une nouvelle ? Les nouvelles de Claire Keegan sont à la fois parfaitement closes, et rêveuses. Elles respirent. Elles ne disent pas tout. Elles laissent entrevoir. Le cauchemar d'une jeune fille au pair, un désir de gamine, un abîme de solitude comblé par le travail, la culpabilité d'un père. Ce goût pour la suggestion n'est pas seulement d'ordre littéraire. Claire Keegan, dont l'Antarctique est le premier recueil, paru en 1999, est persuadée que le non-dit, le sous-entendu, sont à mettre en relation «avec l'histoire de l'Irlande, avec la colonisation qui a contraint au langage codé, souterrain. Il y a toujours plusieurs couches de sens dans la manière de parler, jusque dans les considérations sur le temps qu'il fait. Dire les choses directement est considéré comme déclaratif, perçu comme vaniteux et égocentrique».
«Vétérinaires». Elle était de passage à Paris au mois d'avril. Grande fille rousse aux yeux bleus, une Irlandaise née en 1968. Pas commode. Deux sourires : «Je n'avais jamais pensé que je serais écrivain. Je n'en connaissais pas. Je croyais que les livres étaient uniquement écrits pour les enfants. Je pensais que je pourrais enseigner, jusqu'à 11, 12 ans j'ai eu de très bons professeurs. Eventuellement, j'aurais pu être vétérinaire, car j'aime les chevaux. Là où vis, dans le comté de Letrim, j'en ai deux. Mais j'avais entendu dire