Menu
Libération
Critique

Oursin bien léché

Article réservé aux abonnés
Xavier Girard évoque son amour littéraire pour l’échinidé
publié le 3 juin 2010 à 0h00

C'est dans Premier amour, de Beckett : «J'ai beaucoup aimé, enfin assez aimé, pendant assez longtemps, les mots vase de nuit, ils me faisaient penser à Racine, ou à Baudelaire.» Xavier Girard, 59 ans, spécialiste de Matisse, a trouvé un mot encore plus pratique que «vase de nuit» : c'est «oursin», qui le fait carrément penser à tout. Exemple : «En soi, il ne symbolise rien, contrairement à bien d'autres affreuses merveilles de la nature. Les peintres n'en ont pas fait l'emblème de la fragilité humaine. Les Robinson dans leur hutte n'ont nul besoin de son blason à gueules d'épines. Ni l'Homme-boîte d'Abe Kôbô, ni les reclus de tout poil ne se le sont donné pour guide.» Cela doit être de l'amour, si l'oursin a la puissance d'évoquer ce avec quoi il n'a aucun rapport, ou de la littérature : «l'absent de tout plateau de fruits de mer», aurait dit Mallarmé. De la littérature dans toute son ampleur, qui ne sert à rien d'autre qu'à exercer le joyeux pouvoir qu'a l'homme de donner forme à ce qui l'entoure.

En une ouverture et trois parties, Girard mène une enquête piquante sur l'existence littéraire, picturale ou philosophique de cet échinidé qui n'est généralement «là pour personne»,«pas photogénique avec ça» et sur lequel ni Ponge, ni Nabokov (ni Caillois, précise-t-il) n'ont écrit une ligne. L'ontologie de l'oursin semble se résumer au fait qu'il n'est pas une huître, laquelle a inspiré plus de monde, tel le Jean-François de Tr