Ablutions commence là où s’arrête le rêve hollywoodien. Dans un bar glauque de Los Angeles, un employé imbibé d’alcool et de rancœur dit sa vie de loser, celle des clients, son goût pour la boisson et les fantômes qui rôdent dans le coin. Il projette d’écrire un livre, un roman, à en croire le sous-titre, inspiré par son expérience. Ce sont ses notes qu’on découvre, toujours écrites à la deuxième personne du singulier, en attente de mieux.
Il n’y aura pas mieux : l’écriture, la vraie, requiert de la concentration. Sa tête à lui est en ébullition. Dommage pour le roman, il y avait des choses à raconter : «Parler des habitués», de «Simon, le gérant» ou de cette «pharmacienne alcoolique et toxicomane qui selon toi est en fait un transsexuel en attente d’opération». Parler aussi de Danielle, «56 ans, les cheveux acajou, secs et cassants à force de couleurs répétées, rouge à lèvres orange», qui «te regarde comme si tu étais la dernière part du gâteau dans une fête». Parler de tous ceux qui ont envisagé la gloire sans transformer l’essai. Les enfants stars, les acteurs ratés, les rebuts des paillettes. Ils échouent ici, devant ou derrière le bar, parfois dans la réserve, à quatre pattes.
On baise beaucoup dans Ablutions, vite et mal, souvent par pitié. Mais peu importe, dans le fond, la chair sale et la peau fripée, peu importe même qu’on s’en tienne à des brèves de comptoir, puisqu’on aura tout oublié la page d’après, quand on