Tel le héros de Paludes, qui écrit Paludes, le narrateur des Mémoires de Montparnasse rédige ses mémoires. Le Canadien John Glassco a 18 ans lorsqu'il décide de ne plus être un poète surréaliste. Accompagné d'un ami de Montréal potentiellement génial, comme lui-même, il arrive à Paris en 1928. L'ami, Graeme Taylor, place derechef une nouvelle dans la revue d'Eugene Jolas, Transition, qui publie Work in progress de James Joyce, star incontestée. Glassco et Taylor forment bientôt un trio de fêtards patentés avec l'éditeur et écrivain Robert McAlmon, un homosexuel plutôt paternel à l'égard des deux chenapans, qui vit sur l'argent de son divorce d'avec la dénommée Bryher (riche héritière amante de Hilda Doolittle, voir Libération du 25 mars), et décourage tout un chacun, par son exemple, d'embrasser la carrière des lettres («un piège», se dit Buffy, observant les frustrations de son aîné).
C'est l'époque où les Américains débarquent en France au mois de mai pour repartir en novembre avant l'hiver. Ils mangent des welsh rarebit (du fromage fondu) au Sélect, boivent des Chambéry-fraise (du vermouth) à la terrasse du Dôme, des fines (du cognac) au Jockey, et du mousseux dans les boîtes de Montmartre. Le taux de change leur est on ne peut plus favorable, cela ne va pas durer. Les années 20 de Montparnasse et de John «Buffy» Glassco achoppent sur la crise, et, en ce qui concerne notre jeune homme, sur la