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Libération
Critique

Roman à Colombages

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Les caravelles d’Orsenna
publié le 10 juin 2010 à 0h00

C’est l’histoire du frère du type qui a découvert l’Amérique : Bartolomé Colomb, de dix ans cadet de l’autre. Il le rejoignit là-bas après le deuxième des quatre voyages, devenant maître de ce qui n’était encore ni Saint-Domingue, ni Haïti : Hispaniola. Il y fonda la ville de Saint-Domingue, revint en Espagne enchaîné avec Christophe, retrouva ses droits et puis mourut dans l’île, en 1511.

Libertés. Dans son Histoire des Indes, sous le nom de «l'Adelantado» (le gouverneur), le dominicain Las Casas, qui connut Bartolomé, décrit sa lutte pour créer un lieu vivable et imposer un pouvoir, mais aussi ses exploits de tueur d'Indiens. C'est justement à Las Casas que, dans l'Entreprise des Indes, peu avant de mourir, Bartolomé conte sa destinée à l'ombre du grand homme : «Christophe ne s'intéressait qu'à son Entreprise et on ne s'intéressait qu'à Christophe.» Contrairement à Colomb, son frère n'a laissé ni journaux ni mémoires. Orsenna a sauté dans le trou.

Raconter son histoire, c'est se préparer à mourir. Pourquoi mourir à Hispaniola ? «L'île me rappelle que je suis comme elle, dit Bartolomé-Orsenna. Comme elle, fragile ; comme elle, menacé. Le spectacle de l'île m'apprend à mourir.» Ce n'est pas très original, mais quiconque a pensé échouer dans une île tropicale sait à quel point c'est juste : c'est là-bas qu'on finit par se décomposer en paix. Pour de telles remarques, il sera pardonné à l'auteur de multiples liber