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Libération

Théorie des jardins

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publié le 10 juin 2010 à 0h00

Depuis le temps qu'ils - Julien Gracq, Richard Millet, Tzvetan Todorov, Antoine Compagnon, Pierre Jourde, Renaud Camus, William Marx et cent autres - annoncent la fin de la littérature, celle-ci va sans doute finir par crever. Peut-être le roman est-il déjà mort. On aurait pu nous prévenir ! Dans le Figaro littéraire du 11 septembre 1948, André Billy exprimait une inquiétude diffuse et précoce sous ce joli titre : «On demande d'urgence deux ou trois chefs-d'œuvre». Arguments du chroniqueur : «Il est certain que dans la littérature s'est creusé depuis quelques mois ce que j'appellerai un trou, un vide. Ce n'est peut-être que l'effet du hasard ; ce n'est peut-être que la conséquence de circonstances passagères.» La guerre était à peine finie que ça sentait déjà le roussi. André Billy poursuivait : «Il serait grave que le trou s'approfondît au cours de la saison qui va s'ouvrir et prît entre le public et les écrivains les proportions d'un abîme. Trois ou quatre chefs-d'œuvre ne seraient pas de trop pour le combler.» Au moment de titrer la chronique, les espérances ont donc été revues à la baisse d'un ou deux chefs-d'œuvre, ce qui trahit un pessimisme galopant. Mais pas injustifié.

En 1950, dans Mort de la Littérature, l'écrivain Raymond Dumay devait constater : «Deux saisons littéraires se sont écoulées depuis l'appel de M. Billy et nous attendons encore les chefs-d'œuvre.» Vers 1990, l'attente s'était faite plus féb