Chaucer, c'est facile : «A good wif was ther of biside Bathe/ But she was somdeldeef and that was scathe.» Il suffit de changer les "e" de place ou de forme et on reconnaît à peu près «wife», «there», «somedeal» «deaf» et ça donne : «Une dame était là, des environs de Bath,/ Mais elle était un peu sourde et c'était dommage.» Sauf que «wif» signifiant femme mariée mais en aucun cas noble dame, on a pris l'habitude de traduire par «bourgeoise». L'usage de l'anglais est le premier titre de gloire de Geoffroy Chaucer (né vers 1343, mort en 1400) et le second, comme on peut déjà l'apercevoir, son sens de la dérision, voire son scepticisme. «Phénomènes essentiellement bourgeois et signes de mauvaise conscience», notera Pasolini, témoignage de l'émergence d'une nouvelle classe sociale.
Les rescapés des humanités à l'ancienne se rappellent que Chaucer est considéré comme le père de la poésie anglaise et que, jusqu'à il n'y a pas si longtemps, seuls les chanceux avaient pu mettre la main sur un tout petit choix des Contes de Canterbury dans l'édition Aubier bilingue de 1941 ou la version universitaire de Juliette Dor chez Peeters (1977-1986) puis chez 10/18 (incomplète). Que comparativement, le Décaméron de Boccace, texte de même structure et qui a peut-être inspiré Chaucer, était éditorialement moins mal traité. Ce n'est qu'en 2000 qu'une intégrale des Contes paraît en Folio, traduite par André Crépin. Ce dernier peut donc assez l