Menu
Libération
Critique

Qu’à cela ne tienne

Article réservé aux abonnés
Alors que la notion de «care» est en vogue, les réflexions de Frédéric Worms sur le soin
publié le 17 juin 2010 à 0h00

Il serre un peu, le pantalon, et on ne le porte guère, s'il est trop juste. Quand, sèche et droite comme un piquet, elle applique mécaniquement les normes, la justice aussi apparaît trop juste, presque injuste. Aussi, historiquement, lui a-t-on adjoint des «émollients» moraux, la compassion, la charité ou l'amour, qui la rendent plus souple, et plus à même d'épouser les tortueux chemins dont est faite la réalité humaine. Si, propulsée par le Parti socialiste, la notion de care (soin, cure, sollicitude, aide, secours, attention à, souci de, souci pour… ?) a atterri sur la scène politique française comme un ovni - aux yeux, du moins, de ceux auxquels étaient parvenus peu d'échos des débats théoriques suscités par les thèses de Carol Gilligan (1) ou de Joan Tronto (2) - c'est, en partie, parce qu'on y a vu l'un de ces «suppléments d'âme» capables de rendre plus «humaines» les théories de la justice, l'éthique et la politique. La notion de soin a aussi, comme celle de care dont elle est proche, des frontières floues. Tirée vers le sens commun, elle désignerait en gros l'activité médicale, curative - de l'automédication à la médication technicisée, des soins infirmiers aux soins palliatifs. Tirée vers des sens déjà fixés par la philosophie, elle évoquerait le «soin de l'âme» ou le «souci de soi» chers aux Grecs, repris, en des acceptions différentes, par Jan Pato?ka, Pierre Hadot et Michel Foucault, le «souci» (Sorge) théorisé par Heidegger, ou encore l